Peintre depuis toujours, écrivain couronné du prix Goncourt, Tahar Ben Jelloun explore depuis des décennies les territoires de l’émotion et de la mémoire. Entre mots et couleurs, son exposition au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat a révélé au grand public l’unité profonde de cette double pratique.
L’exposition au Musée Mohammed VI à Rabat a révélé au public combien vos mots et vos couleurs dialoguent. En quoi cette mise en regard a-t-elle, selon vous, éclairé votre imaginaire de manière singulière ?
Tahar Ben Jelloun : L'exposition au Musée Mohammed VI d'art contemporain et moderne a été pour moi une consécration, une sorte de légitimité dont l'écrivain avait besoin pour exercer son nouveau mode de création.
Elle a été importante pour le grand public marocain qui ne connaissait pas cet autre aspect de mon travail. La presse du Maroc a joué le jeu et a rendu compte de l'existence de cette expo, laquelle a été prolongée jusqu'au 31 août après que Sa Majesté m'a écrit une belle lettre où des félicitations m'ont été adressées.
Vous êtes à la fois peintre et écrivain. Comment ces deux pratiques, qui mobilisent toutes deux la main et le corps, se répondent-elles dans l’expression des sentiments et des émotions ?
C'est la même main qui écrit et qui peint ; c'est le même corps qui exprime des émotions. Le passage de l'écrit à la peinture se fait naturellement. Il n'y a pas de rituel particulier.
Je travaille avec la même rigueur quand j'écris ou quand je peins. C'est arrivé sans préméditation. En moi le besoin de dessiner et ensuite de peindre, a toujours été là. L'écriture est arrivée lors de l'épreuve personnelle d'avoir été privé de liberté durant 19 mois.
Vous avez souvent affirmé mettre une forme d’égalité entre les couleurs et les mots. Comment concevez-vous ce rapport consubstantiel entre l’écriture et la peinture, et qu’apporte-t-il à votre œuvre ?
Les mots ont leur propre couleur. Quand j'écris j'imagine la couleur de telle ou telle phrase. La couleur n'a pas besoin du support des mots. Mais des poèmes semblent être les bienvenus dans la toile. Ils font partie de la composition picturale. Ce n'est pas un commentaire sur ce qui été peint. Comme chez Miro ils s'invitent dans la toile et jouent le rôle qui est le leur.
Le Maroc inspire votre création depuis toujours, qu’elle soit littéraire ou picturale. Comment ce territoire intime devient-il, dans vos œuvres, un espace à résonance universelle ?
Le Maroc est ma source essentielle. Que ce soit ses failles, ses problèmes, ses manques ou ses succès, le Maroc est là, dans mes livres. Sa lumière me guide pour peindre. Je ne suis pas le seul à être nourri par sa lumière belle, folle, magnifique, originale, puissante.
On ne devient pas écrivain ou peintre par décision rationnelle. C'est le pays qui fait de nous des artistes. Et mon pays est formidable pour cela.
En tant que membre du jury du Prix Goncourt, vous connaissez les enjeux liés aux distinctions littéraires. Quel regard portez-vous sur les prix dans le domaine de l’art visuel ? Quels critères devraient, selon vous, guider l’attribution de telles reconnaissances ?
Les prix littéraires font partie de la tradition française. Le Goncourt est le prix le plus prestigieux en Europe. Le Goncourt, notamment, a pour mission essentielle de faire lire, de donner envie de découvrir les écrivains francophones.
Dans le domaine des arts visuels, c’est différent. Le marché de l’art impose souvent ses propres lois, parfois éloignées de la vraie valeur d’une œuvre. Une œuvre ne se mesure ni à sa taille ni à son prix, mais à l’émotion qu’elle provoque et à la sincérité de la démarche de l’artiste.
L’argent fabrique une cote, mais il ne fait pas la beauté.
Dans vos peintures comme dans vos écrits, il est toujours question d’engagement, de mémoire et de liberté. Comment voyez-vous le rôle de l’artiste aujourd’hui, à la croisée de la littérature et des arts visuels ?
Aujourd'hui, plus qu'avant, l'artiste a un rôle important à assumer. Il est témoin de son époque. Il doit la dire, la peindre, l'interroger et se faire modeste face à la réalité plus incroyable qu'il ne croit.
Je suis un citoyen concerné. Tout me touche et me préoccupe. Je ne serai jamais indifférent.
À travers votre double pratique, quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes générations d’artistes et d’écrivains ? Pensez-vous que ce va-et-vient entre les mots et les couleurs puisse nourrir leur créativité et leur engagement ?
Aux jeunes artistes, je n'ai pas de conseils à donner. Mais, il faut apprendre à regarder les grandes œuvres de l'art universel. Comme pour les écrivains, je dis : il faut lire, lire et relire les classiques avant de se mettre à écrire. Cultiver par ailleurs la modestie.
CÉCILE VERDIER, PRÉSIDENTE DE CHRISTIE’S FRANCE
"Un nouvel outil de promotion des ventes online ou classiques par semaine"
Actif online depuis presque 10 ans, Christie’s a accéléré la digitalisation de ses ventes et de sa communication. La crise, explique Cécile Verdier, permet d’installer sans délai, en accéléré, les outils pertinents qui seront les standards de demain, et toucher ainsi de nouveaux publics.
L’implantation mondiale de Christie’s a-t-elle aidé Christie’s France à prendre la mesure de l’épidémie, puis, lorsque le confinement a été imposé, à communiquer en interne et en externe ?
Cécile Verdier : Le fait d’être une maison de taille internationale, présente en Asie, nous a permis d’avoir une vision très en amont de la situation et de pouvoir utiliser en France des méthodes déjà mises en place par nos collègues dans nos bureaux en Chine et à Hong Kong.
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"Espérons que le manque crée l’envie"
AU TEMPS DU CORONAVIRUS, COMMUNIC'ART DONNE LA PAROLE À SES CLIENTS.
En cette période de confinement, quelles sont les actions menées par la Fondation Henri Cartier-Bresson par vous et votre équipe pour poursuivre vos activités ?
François Hébel : Une légère présence sur les réseaux sociaux, sans submerger les lecteurs. Nous utilisons les « Perles des archives » et quelques documents intéressants pour mieux faire connaître Henri Cartier-Bresson avec des textes courts.
En quoi est-ce important pour vous de maintenir le lien avec vos communautés et vos publics ?
FH : C’est le rôle pédagogique de la Fondation, une de ses principales raisons d’être autour de l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson et de Martine Franck.
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"Regardons nous la nature de la même manière après avoir vu les iris ou les tournesols de Van Gogh ?"
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En cette période de confinement, quelles sont les actions menées par l’équipe du château d’Auvers-sur-Oise pour poursuivre votre action en tant qu’institution culturelle ?
Delphine Travers : En cette période particulière, où la culture est omniprésente et nous aide lors de notre confinement, nous transposons les expériences à vivre au château d’Auvers de manière virtuelle afin que nos publics puissent continuer à découvrir la richesse et la diversité culturelle du château.
Puisque le public ne peut pas venir au château d’Auvers, c’est donc le château qui vient vers lui.
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"J'avais permis à un paquet de dollars de me dicter mes sentiments sur l'art"
Bien avant la crise du coronavirus, le compte Instagram @jerrygogosian s’était imposé comme une Pythie du monde de l’art contemporain.
Accumulant les mèmes, des images banales assorties de commentaires méchamment ironiques, celle qui se présente comme une ex-galeriste de Los Angeles cultive une dérision qui lui assure une audience de 68 000 followers. Elle lui permet d’échanger avec les puissances de la place, dont elle podcast les interviews.
De son ton acéré, elle relève que la pandémie aura seulement poussé chacun dans sa pente. Elle ne s’attend à aucune sérieuse remise en cause, ni des méga-galeries, ni du système des foires.
Un sarcasme qui pousse la profession à abandonner les communications stéréotypées pour en revenir à l’ ...
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Restitution des œuvres d’art : « Il est urgent de réinventer une nouvelle forme de gouvernance culturelle »
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