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02.05.2022

Au MO.CO. Panacée de Montpellier, exposition "contre-nature la céramique, une épreuve du feu", du 21 mai au 4 septembre 2022

About

Exposition 
du 21 mai au 4 septembre 2022
 
vernisage 
vendredi 20 mai
à 18h
 
MO.CO Panacée
14 rue de l'Ecole de Pharmacie
34000
 
Contact presse 
Lila Casidanus 
+33 (0)7 66 52 74 45


Image principale : 
 
Claire Lindner, Enchevêtrement vertical, 2022 
Grès chamotté modelé, émaillé au pistolet, cuisson 1260°C 
© Claire Lindner 
 
 
 
Image ci-dessus
 
Johan Creten,Odore di Femmina, Brain Drain II, 2015-2016 
Email sur grès modelé, lustre bronze cuissons multiples à haute température
©Claire DORN 
 
 
 
Contre-Nature est une  exposition habitée de formes insolentes et hybrides : ces créatures grotesques, de terres et d'émaux, forment un monde luxuriant, originel, mystérieux, inquiétant, voire hallucinatoire. L'eau, la terre, le feu sont les composants essentiels, inégalables de ces mondes nouveaux : « on appelle contre-nature ce qui est contre la coutume. » (Montaigne)
 
L’exposition Contre-Nature bénéficie du soutien de Massimo de Carlo Gallery pour l’œuvre de Brian Rochefort, The Pill pour l’œuvre de Marion Verboom, et de la Galerie Xavier  Hufkens pour l’œuvre de Sterling Ruby. Avec le soutien du fonds Mondriaan pour l’œuvre d’Anne Wenzel. Sous la direction artistique de Numa Hambursin, directeur général
 
Dans cette exposition, la nature est artifice et l'artifice se fait nature pour décatégoriser les échelles et valeurs, renverser les poncifs sur la sculpture et la tradition céramique. Les œuvres rassemblées traitent moins de céramique en tant que folklore que de modelage et d'alchimie comme techniques et magies. 
 
« Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or », écrit Baudelaire dans un épilogue des Fleurs du mal inachevé. L’exposition explore la métamorphose et le renversement de valeurs à travers les sculptures de trente artistes, qui, à la suite aussi du personnage Jean Des Esseintes de Huysmans, permutent le naturel et l’artificiel. Ce sont davantage les processus de transformations qui forment le cœur du projet : d’abord du façonnage à la main, du modelage de la terre, plus que des mécaniques de tournage ou de moulage. La corporalité de l’artiste est primordiale, omniprésente et visible, palpable à travers les marques de ses gestes performatifs, d’un corps-à-corps avec la matière.
 
Un tissu de contradictions fertiles forme l’essence du matériau et fonde sa technique : le cru et le cuit, le naturel et l’artifice, l’archaïque mais contemporain, l’inoffensif ou le toxique, le contrôle par le hasard, le malléable devenu solide. Les œuvres présentées sont prises dans un moment de transformation, cristallisées dans un état incertain de métamorphoses et d’alchimies, que le four, comme la gestation inhérente à la céramique, ont saisi. 
 
Contre-Nature n’entend pas déployer une histoire exhaustive de la céramique. Elle se concentre sur ses développements récents. Elle s’attache à contrer la hiérarchie des pratiques en accord avec les préoccupations actuelles d’artistes émergents : longtemps considérée comme un artisanat passé de mode, la céramique est désormais généralement reconnue par les artistes et les institutions comme un mode d’expression en phase avec un monde incertain et un retour manifeste au faire, aux textures et aux matières. 
 
Dans le magma chaotique de l’art contemporain, traversé pourtant de courants réguliers et sous-marins que les critiques, isolés et dépassés par l’ampleur, tentent de cartographier à l’aune de leurs propres obsessions, céramique et peinture semblent avoir destins liés. Après avoir subi les avanies d’une avant-garde (le terme n’est pas militaire  par hasard) et le mépris des séides de la table rase, nos deux sœurs fausses-jumelles tiennent désormais le haut de l’affiche. Les musées traquent dans leurs réserves les céramiques des grands maîtres de la modernité, tandis que les centres d’art débusquent les émergents capables de punkiser une pratique millénaire. 
 
À travers le céramiste, c’est la figure de l’alchimiste qui est réhabilitée, comme celle de la  sorcière par ailleurs. L’alchimiste partage avec le scientifique, incarné dans sa version folle par le transhumaniste, le désir de s’élever contre les lois de la nature : quand l’un s’appuie sur le langage mathématique, « l’alphabet dans lequel Dieu a écrit l’univers » pour Galilée, l’autre invoque les forces telluriques et souterraines contenues dans la nature elle-même. « Les sciences, écrit Lovecraft  dans le premier chapitre de L’appel de Cthulhu opportunément intitulé "L’abomination d’argile", nous ont jusqu’à présent épargnés ;  mais un jour viendra où la  conjonction de tout ce savoir disparate nous ouvrira des perspectives si terrifiantes sur la  réalité et sur l’épouvantable place que nous y occupons que nous ne pourrons que sombrer dans la folie devant cette révélation, ou bien fuir la lumière pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge des ténèbres ».
 
Il m’apparaît plus modestement que la céramique et les NFT sont les deux faces d’une même pièce angoissante, celle d’un monde entre deux rives. Est-ce le corps-à-corps avec la matière, le compagnonnage des légendes primitives qui ont façonné les premières lueurs de l’humanité, ou encore le miracle intact d’une terre glaise se figeant pour les siècles ? La céramique semble envoûter les textes critiques et enflammer l’imagination plus que n’importe quelle pratique.
 
Elle regroupe des figures tutélaires du circuit de l’art contemporain et des jeunes qui abandonnent les métropoles pour devenir potier dans quelque village aveyronnais, des artistes qui lui sacrifient leur œuvre et d’autres qui ne s’en préoccupent qu’à l’occasion. La  céramique se vit aujourd’hui en  archipels qu’il faut accepter d’explorer dans leur diversité, du centre aux périphéries. Il serait ainsi attrayant d’y voir l’expression d’un changement de paradigme : le retour nostalgique au savoir-faire, la recherche d’authenticité, la réappropriation d’une planète Terre en sursis. Comment concilier cette inclinaison véritable avec la réalité d’une pratique aux effets toxiques et littéralement contre-nature ?  
 
À l’image du conte, la céramique dissimule un récit plus complexe qui n’y paraît. Rabbi Yehuda Loew, le rabbin de Prague, aurait créé le Golem, « inachevé » en hébreu, pour veiller sur le quartier juif et le protéger des pogroms. Il le sculpta dans l’argile et lui donna vie en  inscrivant EMET, « vérité », l’un des noms de Dieu, sur son front. Ni humain ni matière inanimée, le Golem devint fou et se mit à tout détruire sur sa route. Son créateur finit par effacer la première lettre, MET signifiant la mort, et le Golem retourna à la terre glaise, comme chaque homme retourne à la poussière.
 
C’est peut-être cela son secret. Tour à tour fragile et éternelle, se brisant à la moindre chute mais inchangée après plusieurs millénaires passée sous les eaux, antédiluvienne et éminemment contemporaine, conservatrice et punk, écologique et toxique, la céramique n’est-elle pas dans ses contradictions une métaphore en chair de notre humanité ?
 
 

Image principale : 
 
Claire Lindner, Enchevêtrement vertical, 2022 
Grès chamotté modelé, émaillé au pistolet, cuisson 1260°C 
© Claire Lindner 
 
 
 
Image ci-dessus
 
Johan Creten,Odore di Femmina, Brain Drain II, 2015-2016 
Email sur grès modelé, lustre bronze cuissons multiples à haute température
©Claire DORN 
 
 

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du 21 mai au 4 septembre 2022
 
vernisage 
vendredi 20 mai
à 18h
 
MO.CO Panacée
14 rue de l'Ecole de Pharmacie
34000
 
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Lila Casidanus 
+33 (0)7 66 52 74 45